Sur les traces de Caravage, un fabuleux voyage autour de la Méditerranée

A cette époque, en Italie, la peinture est à la fin d’un cycle.

Rome sort d’un siècle marqué par la grande Renaissance avec Léonard de Vinci (de manière épisodique), mais surtout Michel-Ange et Raphael. Ces 2 derniers sont morts, leurs élèves aussi. Il n’y a plus de grands génies. La peinture est alors dans « le creux de la vague ».

La Contre Réforme bât son plein et l’art est réglementé par le concile de Trente. Le renouveau arrive par l’école des Carrache (académie des Incamminati à Bologne) où les enseignements suivent 3 principes : le dessin se fait d’après des modèles vivants, d’après les grands maîtres et dans l’esprit de l’art antique. Un retour au classicisme.

C’est dans ce climat que va arriver Caravage. Il ne laissera personne indifférent, considéré déjà de son vivant comme un « révolutionnaire ». Il va profondément changer l’art et il deviendra rapidement un des artistes les plus célèbres du moment.

Son art repose sur 2 préceptes complétement innovants :

La lumière est le principal élément de ses tableaux, elle lui permet de donner à tout ce qu’il peint une intensité et une réalité inégalée par ses contemporains.

Ses sujets sont principalement des hommes et des femmes tirés du peuple. Il les peint avec beaucoup de réalisme, même quand il représente des scènes religieuses.

Immédiatement, un de ses principaux détracteurs sera Nicolas Poussin, artiste classique qui considérait que Caravage et sa peinture étaient vulgaires.

Si son art est révolutionnaire et immédiatement perçu comme polémique, sa vie aussi est une aventure. Une vie courte, il n’a pas atteint les 40 ans, mais intense, tumultueuse et rocambolesque !
Une folle aventure qui nous mène tour à tour à Rome, Naples, Malte pour finir en Sicile.

Mais tout commence à Milan, à la toute fin du maniérisme romain. Caravage nait en 1571 et passe son enfance à Caravaggio, province de Bergame en Lombardie. Il est élève chez Simone Peterzano, un des grands maîtres de l’époque influencé par le Titien. Il apprend alors ce qui est typique des artistes lombards : une manière brutale et directe de représenter les choses et un intérêt pour la lumière de la Renaissance vénitienne.

On le retrouve très vite à Rome, dès ses 21 ans (1592). Caravage vit dans les zones malfamées où il fréquente très régulièrement tripots et prostituées, un monde qui le fascine et pour lequel il aura une forte attraction toute sa vie. Il travaille dans quelques ateliers d’artistes connus. A partir de 1593 il rentre dans l’atelier de Giuseppe Cesari, peintre attitré du pape Clément VIII et artiste très en vue. Il confie à son apprenti la tâche de peindre des fleurs et des fruits dans son atelier

Caravage commence à peindre des petits tableaux mais quand il est remarqué par des personnalités et notamment le Cardinal del Monte, il change de thème et de format. Le cardinal a une si forte estime pour Caravage qu’il l’accueille chez lui où il devient « son » peintre.

Le cardinal del Monte défend le nom de Caravage à tel point qu’un de ses amis le cardinal Borromeo à Milan demande à Caravage un tableau pour sa collection : une nature morte, très bel exemple de sa première manière de peindre (Corbeille de fruits, vers 1596, 46 X 64,5 cm, pinacothèque Ambrosienne, Milan).

La révolution du Caravage commence. Immédiatement il acquière la réputation d’un artiste nouveau, génial, innovant. Mais il reste très en retrait. Il apparaît peu en public. Il fréquente un cercle restreint d’artistes ainsi que quelques grandes personnalités.

La fin du siècle approche, et 1600, année du jubilé, sera la célébration de l’année sainte et du triomphe du catholicisme sur les protestants. Ce sera un jubilé plein d’art, les églises de Rome se rempliront d’oeuvres pour célébrer l’apothéose du pape et du catholicisme.

Caravage va savoir profiter de ce double engouement : sa réputation et la préparation du jubilé. Avec le jubilé, chaque grande famille veut décorer sa chapelle avec les plus grands artistes.

1599 : 1 ère commande publique de 3 grandes toiles destinées à la chapelle Contarelli à St Louis des français. Ses oeuvres sont peintes avec réalisme, de manière dramatique et avec des personnages issus du peuple. Il regarde avec attention le monde du théâtre, très actif à l’époque. Quand il peint une scène mytho ou religieuse, il représente des personnages qui jouent un rôle.

       

La chapelle Contarelli à St Louis des français                         Saint Jérôme

       
            
              Vocation de Saint Matthieu
                                  Martyre de Saint Matthieu

Bien que sa manière très personnelle de peindre des scènes religieuses suscite quelques réactions très négatives, c’est un énorme succès qui lui permet d’avoir d’autres commandes pour les plus grandes églises romaines.

A peine a-t-il réalisé ces toiles qu’un des hommes les plus riches et les plus puissants de la ville passe un contrat avec lui, devant notaire, pour 2 oeuvres : le crucifiement de St Pierre et la conversion de St Paul sur le chemin de Damas. Cet homme, Monseigneur Tiberio Cerasi, tient les reines économiques de l’église romaine et possède une chapelle familiale, l’église Sta Maria del popolo. Voilà un bel atout dans la manche de ce joueur invétéré qu’est Caravage.

       

Puis c’est le tour du plus grand expert et collectionneur de l’époque, le Marquis Vincenzo Giustiniani, de l’appeler. Il peint pour lui : L’amour victorieux vers 1601, Gemäldegalerie, Berlin. Tableau remarquable qui a fait la légende du Caravage.

Il y aura aussi La mort de la Vierge, MUSEE DU LOUVRE, commandé en 1601 pour la chapelle du juriste Laerzio Cherubini dans l’église Santa Maria della Scalla in Trastevere à Rome. Ce tableau sera refusé par les moines qui le trouvaient indigne du lieu. Un jeune artiste qui achète des tableaux pour le Duc de Mantoue va voir ce tableau et dira « c’est le plus beau tableau du monde ». Cet artiste c’est Rubens. Le tableau mis en sûreté dans la galerie du duc de Mantoue, entrera par la suite dans les collections de Louis XIV.

       

Caravage comptera même parmi ses clients les Medicis, un rêve pour tous les artistes de l’époque depuis Botticelli !

S’en suivront de nombreuses commandes dont Le souper à Emmaüs, 1601, une des très belles oeuvres de l’artiste, toile acquise par le marquis Costanzo Patrizi. Ce sera un des derniers tableaux peints à Rome, il a 35 ans.

En effet, Caravage vivait parmi les princes mais aussi parmi les délinquants.Son goût immodéré du jeu le pousse à fréquenter les bas fonds de la ville. A la fin du printemps 1606 Caravage tue Ranuccio Tommassoni, un homme violent, vulgaire, protecteur de prostituées fréquentées par Caravage !

Jugé par le tribunal ecclésiastique, il est condamné par contumace à la mort par décapitation. Il doit quitter précipitamment la ville qui lui a donné la gloire.

Alors tout s’accélère.

En 1607, il fuit vers Naples où il est auréolé de gloire. Il reçoit la commande de Pio Monte della Misericordia, une église de Naples : Les Sept OEuvres de miséricorde 1607 Mais à Naples c’est toujours un homme traqué bien qu’il soit un privilégié, condamné à mort et recherché.

Il s’embarque alors pour Malte, en 1608, où il devient chevalier de l’ordre de Malte ce qui lui garantit l’immunité. Arrêté et emprisonné à la prison de La Valette, il est expulsé de l’ordre car il s’est très mal conduit sous l’emprise de l’alcool.

Il s’enfuit et part en Sicile où il exécute de nombreuses commandes.

En 1610, grâce à ses relations, il reçoit la grâce papale et il décide de rejoindre Rome où résonne encore son nom.

Mais il n’arrivera jamais à destination.

Monté à bord d’un navire sans payer son billet, une dispute éclate avec les marins du bord. Il est frappé, blessé et jeté par-dessus bord. Il réussira à atteindre la berge près de Porto Ercole, épuisé et sera retrouvé mort sur la plage.

Voilà comment s’éteint un des plus grands représentants du baroque, après une vie d’ombres et de lumière, comme sa peinture.

Caravage a atteint les limites expressives de l’art, maître du clair-obscur et génie de la peinture.

Toute la peinture du XVIIème sera caravagesque, en France avec Georges de la Tour, en Espagne avec Zurbaran et Velasquez, dans les Flandres avec Ter Brueghel.

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